Leçons du Covid–19 pour le jour d’après

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Pénurie de masques : système D et open source

Une amie m’a envoyé récemment un tuto d’un « urgentiste sapeur-pompier » qui vous apprend à faire un masque qui aurait l’efficacité d’un masque FFP3 (!), avec un mouchoir en papier et du papier Sopalin, une agrafeuse de maison, deux élastiques… le tout en 2 mns chrono ! On pourra toujours objecter que ce Monsieur inconnu n’est pas un « scientifique », tout juste un bricoleur style concours Lépine mal assimilé. Mais cette attitude, pleine de morgue, serait très « monde d’avant ». Un monde d’avant dont on voit que les représentants n’arrivent pas à trouver les solutions, avec leur logiciel intellectuel périmé, à la crise sanitaire du Covid !

D’ailleurs, les initiatives personnelles, locales, solidaires se multiplient. Une autre amie me disait que dans son immeuble, quelques femmes avaient cousu des masques pour l’ensemble des résidents. Elle-même a commandé une machine à coudre ! À un niveau plus large, l’AFNOR a mis à disposition un cahier des charges réalisé par des experts pour fabriquer des masques barrière, soit par des industriels, soit par des particuliers. La plateforme, masques-barrières.afnor.org, permet de connecter les demandeurs et les producteurs. Selon Libération du 20/04, « le modèle a été téléchargé plus de 600 000 fois… et la liste d’attente est longue : 1659 confectionneurs sont référencés, contre 35 000 demandeurs ». Et les makers avec leurs imprimantes 3D fabriquent actuellement, dans toute la France, jour et nuit, des masques, des visières, des valves de respirateurs… que l’on peut trouver sur la plateforme Opencovid19-Fr, ou encore sur le site Covid-initiatives.org

Covid et médecine de ville : bottom-up et intelligence collective

Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux de médecins généralistes qui expliquent que, dans un premier temps, ils ont suivi les recommandations des experts, ne donnant que du Paracétamol à leurs patients infectés par le virus. Et puis, voyant certains de leurs patients se dégrader, partir à l’hôpital, mis en réanimation, être intubés et pour certains ne jamais en revenir… ils ont réagi. Avec leur expérience de terrain face à d’autres virus – et sans hydroxychloroquine puisqu’ils ne peuvent pas la prescrire – ils ont essayé d’autres médicaments qu’ils connaissaient bien, des antibiotiques comme celui prescrit par le Professeur Raoult, l’azythromicine, et d’autres, combinés à des molécules très simples, comme du zinc. Et ces médecins de terrain, confrontés tous les jours à des malades, disent que « ça marche » ! Là aussi les bonnes âmes du monde d’avant diront que cela ne prouve rien, que ce n’est pas scientifique, que l’échantillon n’est pas suffisant, qu’il n’y a pas de groupe témoin, etc, etc… Bien sûr, de son côté, l’Institut Pasteur teste, en laboratoire, plusieurs milliers de molécules bénéficiant d’une AMM sur le virus qu’il faudra ensuite valider sur des souris, puis sur l’Homme. Très belle initiative… mais très longue ! Qu’attend-donc l’Ordre des médecins pour recenser les initiatives individuelles de ses membres, afin d’en faire une synthèse robuste 

Que nous disent ces exemples pour le « monde d’après » ?

Que ce qui était déjà émergent, mais à faible bruit, va devenir « mainstream ». Je parle ici d’intelligence collective, d’expertise du quotidien, d’open source, de DIY (Do it Yourself), d’innovation frugale, Jugaad ou low-cost, de « makers », d’imprimantes 3D, de tiers-lieux… La crise du Covid-19, c’est l’effondrement du modèle productif « d’approvisionnement », basé sur le flux tendu (sans stock) et sur des chaînes de valeur à plusieurs milliers de kilomètres. Pour un monde plus résilient et plus durable, il devra être en grande partie remplacé par un modèle de production à la fois local, « à la pièce », grâce entre autres aux Fab Lab ou à de petites unités de production type micro-usines, grâce à des outils intelligents et open source permettant à chacun de retrouver le plaisir de faire soi-même… C’est aussi l’effondrement d’un système managérial, basé uniquement sur la réduction des coûts et les économies d’échelle, qui est arrivé à ses limites. Cette crise sanitaire sans précédent le met particulièrement en exergue pour notre système de santé : avec des grands laboratoires qui ne trouvent plus de médicaments vraiment nouveaux, dont le modèle économique est à bout de souffle malgré une fabrication externalisée en Chine ; avec un hôpital, déshumanisé par la gestion comptable et en très grande souffrance depuis des années…

Nous allons devoir penser et agir « out of the box », explorer de nouvelles manières de produire et de consommer, de nouvelles manières de vivre. De nouvelles manières « bottom up » s’inspirant des réalités du terrain, de l’expertise du quotidien, de la prise en compte des besoins sociétaux. Concernant notre système de santé, le Covid qui touche très durement les personnes âgées mais aussi celles présentant des comorbidités type obésité, diabète, hypertension… nous montre la voie : se recentrer sur une médecine de terrain, préventive, en lien avec les parties prenantes (agro-alimentaire, sport, auxiliaires de santé…) et réduire la course à la technicisation. Dans la Chine ancienne, on payait son médecin pour rester en bonne santé. Lorsque l’on tombait malade, on arrêtait de le payer !


Alain Chauveau, Directeur associé de Modale Conseil, en charge du Planning stratégique

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